Si l’on souhaite réaliser une voie d’eau moderne, l’utilisation d’une Onde Bleue permet d’éviter les arrêts imposés par les écluses, et donc d’obtenir la même vitesse moyenne tout en diminuant la section mouillée du canal. L’ouvrage devient alors globalement moins coûteux et sensiblement moins perturbateur pour l’environnement.
Par ailleurs, lorsque le tracé d’une voie à moderniser reprend celui d’une voie d’eau existante, il est fréquent d’y rencontrer des écluses d’une taille suffisante, mais insuffisamment profondes ou soumises à la marée. Un dérivé de l’Onde Bleue permet d’y remédier.
I La Demie-Onde Bleue
Présentation de principe
La Demie-Onde Bleue permet en effet de relever le niveau de l’avant-port aval d’une écluse d’environ un mètre, ce qui diminue la chute et augmente le pied de pilote sur le radier d’autant. Le temps de fonctionnement de l’écluse en est diminué, ainsi que les temps d’entrée et de sortie des bateaux.
Dans le texte du brevet, la Demie-Onde Bleue est ainsi décrite (voir figure plus loin) : un ouvrage de franchissement de dénivellation sur une voie d'eau, entre un niveau amont et un niveau aval, cet ouvrage étant constitué par une succession d'au moins un bief et au moins une écluse contigus, les bief et écluse étant séparés par des portes, chacune d'elles étant mobile entre une position ouverte, dans laquelle elle ne s'oppose pas au passage de l'eau, et une position fermée dans laquelle elle sépare, de façon sensiblement étanche, deux biefs successifs, deux écluses successives, un bief et une écluse ou encore un bief avec l'amont ou l'aval de l'ouvrage. Sur le plan conceptuel, l'écluse joue ainsi le rôle de plusieurs biefs dans l'ouvrage précédent (Onde Bleue), ce qui peut être avantageux en fonction de la topographie. Par ailleurs, l'ouvrage enregistre notamment un temps de passage et une utilisation d'eau réduite par rapport à une écluse traditionnelle.
Le profil en long ci-après représente un exemple de réalisation d'un ouvrage de franchissement de dénivellation selon l'invention, dans lequel on note la présence d'une écluse.
Figure 1 PROFIL EN LONG D’UNE DEMIE ONDE BLEUE A TANCARVILLE
Il comporte seulement deux biefs (47 & 48), le bief 47 étant en fait le sas d'une écluse classique, par exemple une écluse préexistante dans le cadre d'une mise à un gabarit supérieur d'une voie d'eau, tandis que le bief 48 est en fait l’avant-port aval de cette écluse. Le nombre de biefs et d'écluse de ce type d'ouvrage selon l'invention ne se limite pas à celui illustré dans la figure.
Des portes 38 à 40 sont prévues à chaque extrémité du sas de l'écluse et en aval du dernier palier. Elles délimitent les biefs ou sas 47 et 48 et participent au contrôle des niveaux.
Les obstructions sont constituées par le seuil aval 62 et le radier de l'écluse 17, trop hauts.
Un engin de navigation 7 traverse l'ouvrage selon l'invention, tel qu'illustré sur le profil en long ci-après, du niveau B vers le niveau A, de la façon suivante:
Au commencement, la porte 39 et la porte 40 sont ouvertes, de façon à ce que le niveau de l'eau dans les biefs 47 et 48 corresponde au niveau B. À l'amont, le niveau est le niveau A, la porte 38 étant fermée. La porte 40 laissant libre le passage entre l'aval de l'ouvrage de franchissement de chute et le bief 48, l'engin de navigation 7 peut y pénétrer, les niveaux d'eau étant égaux.
Une fois que l'engin montant 7 est dans le bief 48, les portes 40 et 39 sont placées en position fermée.
On ouvre alors partiellement les vannes d'alimentation de l'écluse 47, qui puisent l'eau au niveau A, tout en maintenant la porte 39 fermée. Le niveau dans l'écluse monte jusqu'au niveau 9, qui dégage au dessus du radier 17 et du seuil 62 la profondeur nécessaire pour le passage du convoi-type.
On ouvre alors les vannes de vidange de l'écluse 47, sans fermer celles d'alimentation, ce qui permet de mettre le bief 48 au niveau 9. On ferme alors les vannes d'alimentation de l'écluse.
Cet ensemble d’opérations peut aussi s’effectuer lors de l’éclusage avalant d’un engin de navigation.
L'ouverture de la porte 39 peut alors s'effectuer grâce à l'égalisation des niveaux entre les deux biefs 47 et 48 au niveau 9. L'engin 7 peut ainsi passer du bief 48 au bief 47, sans risque de heurter le seuil 62. Dans le cas d’un éclusage avalant, l’engin 7 doit attendre la sortie complète de l’engin avalant hors du bief 47 (l’écluse).
Dès que l'engin 7 est dans le sas 47 de l'écluse, on ferme la porte 39 et on rouvre la vanne d'alimentation de l'écluse. Le sassement s'effectue comme dans une écluse normale, jusqu'au moment où le niveau dans l'écluse atteint le niveau A, et où la porte 38 peut être ouverte, la sortie de l’engin 7 terminant le cycle montant.
En ce qui concerne le cycle avalant, comme la porte 39 est fermée, il est possible d’ouvrir la porte 40 pour ramener le bief 48 au niveau B. L’avalant progresse alors dans le bief 48 pendant que le niveau du bief s’abaisse du niveau 9 au niveau B, et pourra sortir dans le bief aval dès égalisation des niveaux et ouverture complète de la porte 40.
On en donne ci-dessous un exemple d’application en France, à l’écluse de Tancarville :
II. Exemple d’application de l'ONDE BLEUE en France
DEMIE ONDE BLEUE A TANCARVILLE
Le site de Tancarville présente des caractéristiques telles qu’une Demie Onde Bleue y rendrait de grands services.
En effet, le passage par l’écluse est limité à 7 heures par marée, sauf exceptions. Ceci est dû au fait que l’avant port côté Seine est dragué à 1,80m, peut-être limité par le niveau de la craie, et qu’il est à sec en basses mers. Les bateaux ne peuvent y stationner qu’à leurs risques et périls, et n’ont aucune possibilité physique d’entrer dans l’écluse.
La flotte fluviale est donc gênée dans sa liberté de mouvement lors de l’entrée ou de la sortie du domaine portuaire. Pour exemple, le trafic de charbon subissait en ce point une attente qui était supérieure à la somme des attentes des autres écluses entre Le Havre et Gennevilliers.
Si l’on souhaite augmenter la durée pendant laquelle le passage par l’écluse est possible, une demie Onde Bleue permettrait de le faire, s’il était possible de recreuser l’avant port de la nouvelle écluse jusqu’à la cote –2,95.
Le côté Canal est maintenu à une cote moyenne de quelque +7,3m environ. La fenêtre de navigation correspond à peu près à la durée durant laquelle le niveau +5,5m est dépassé côté Seine, c’est à dire qu’un mouillage de 3,7m est atteint (donnés approximatives à affiner).
La consommation réelle d'eau par une Demie-Onde Bleue variera journellement selon le coefficient de marée, et à chaque marée selon la position durant le flux ou le reflux.
Par ailleurs, les bateaux remontant la Seine auront tendance à attendre la renverse du courant pour utiliser l’écluse, ce qui ne se produit qu’un certain temps après la basse mer. Ceci diminuera la fréquence des utilisations de la Demie Onde Bleue à chute maximale, c’est à dire à consommation d’eau maximale.
Une sassée, en se déversant vers la Seine, remonterait du même coup le niveau d’un possible "Avant-port à niveau variable", mais de moins d’un mètre. Il faudrait donc prévoir une alimentation complémentaire, puisée dans le Canal, qui dispose des immenses réserves des bassins du port.
Il semble que le niveau des plus basses mers soit d’environ +0,80m. Il faudrait dans ce cas extrême, et en supposant que le bateau éclusé ait l’enfoncement maximal autorisé de 3,5m, une tranche d’eau de 4,70m, qui correspond à environ 55.000m3 , pour relever le niveau jusqu’à la cote 5,5. Ce cas extrême de consommation correspond par bonheur à celui où les ressources apportées par les marées de vives eaux sont les plus abondantes, et ne devrait donc causer aucune gêne à l’exploitation du port maritime, même s’il y avait plusieurs éclusages durant les basses mers.
Les écluses ont des bassins de 240x24m, et les convois font 180x12m..
Là où l’arrière-radier de l’écluse se termine, on battrait un rideau de palplanches en travers du chenal, recépé à l’altitude du radier de l’écluse (altitude 1,80?). On raccorderait ce rideau aux berges. On construirait (par exemple en palplanches) des murs guide de façon à diminuer la surface de l’avant-port, et donc sa consommation. Tout l’avant port de la nouvelle écluse sera alors dragué à l’altitude –2,95. L'ensemble se présenterait ainsi:
On battrait en rive sud une double ligne de palplanches, parallèles à l’axe de l’écluse et à 21,5m de son axe, sur une distance de 275m. Sur les 75m suivants, ces palplanches auraient un tracé en plan sinusoïdal pour rejoindre l’axe. Le sommet de cet ensemble, rempli de sable, serait à l’altitude 8, mais pourrait tout aussi bien être à l’altitude 10,9, pour rester bien visible même pendant les hautes eaux.
Une largeur de l'avant port de 36m est nécessaire pour permettre le croisement de deux bateaux, lorsque l’intensité du trafic est telle que le croisement de deux bateaux dans l’avant-port est obligatoire. Le croisement se ferait lorsque le niveau 9 est à l’altitude 5,5m, c’est à dire avec un fort pied de pilote (enfoncement de 3,5m).
En sortant de l’écluse, l’arrière d’un avalant (allant du Port vers la Seine) dégagerait l'entrée sur 90m au bout de 3 à 4 min.
A partir de ce point, l’avalant commencerait à stopper, jusqu'à éventuellement s'amarrer, tandis que le montant démarrerait pour entrer dans l’écluse. Son entrée complète devrait prendre 4 à 5 minutes.
Dès l'avalant entré et la porte aval de l’écluse fermée, la porte de l’Onde Bleue (40) serait manœuvrée, et le niveau de l’eau descendrait progressivement jusqu’au niveau B (alt.0,80 ou plus). A la fin de cette opération, l’avalant serait désamarré, et dès que la porte serait ouverte, c’est à dire 2 à 4 minutes après fermeture de la porte de l’écluse, il pourrait quitter l’avant port à niveau variable en quelques secondes.
La porte de l’Onde Bleue aurait 24,5m de large, et serait située entre l’axe du chenal et la rive nord, sa tête nord étant de niveau avec le mur guide nord.
Un montant ne serait pratiquement pas gêné par l’Onde Bleue, puisqu’il doit en toute hypothèse attendre que l’avalant soit sorti pour commencer sa manoeuvre. Sa seule contrainte serait d’être en phase avec l’Onde, et d’arriver dans l’avant port quelques minutes plus tôt qu’aujourd’hui, c’est à dire avant que l’écluse ne commence sa vidange vers l’aval.
Le remplissage de l’Onde Bleue se ferait en effet automatiquement pendant un éclusage vers l’aval, qui remplit naturellement le bief 48 avec l’eau de l’éclusée, pour autant que la porte 40 soit fermée. Un complément de remplissage sera nécessaire, lorsque le coefficient de marée est tel que le niveau de la Seine est inférieur à +4,5.