La Voie d'Eau, un transport à courte distance?

(Alors que sa distance moyenne de transport est de 380 km…)

Il y a plusieurs manières d'évaluer la pertinence de la navigation intérieure en France. L'une d'entre elles consiste à analyser la distance moyenne parcourue par ce mode. Les Etats n'ont cependant pour obligation que de calculer le parcours sur leur territoire, pour éviter les double comptes. Les conclusions que certains en tirent de bonne foi pour décrire le transport fluvial sont en conséquence erronées, faute d'avoir intégré les parcours à l'étranger de ce mode. Ceci est tout spécialement vrai en France.

En effet, la position géographique de notre pays, raccordée au réseau européen par des moignons de voies à grand gabarit, fait que l'essentiel du parcours des tonnes exportées ou importées en France s'effectue à l'étranger. C'est le phénomène du Cône de Trafic décrit dans Navigation, Ports et Industries du 30 novembre 2001.

Il est donc arithmétiquement vrai de dire que le parcours moyen (en France) du transport fluvial a été de 120 km en l'an 2001, donc relativement court. Il était de 124km en 2000 (les chiffres entre parenthèses sont ceux de l'an 2000). Mais ceci résulte de l'amalgame de données fort diverses, et conduit à donner une image faussée du transport fluvial.

En effet, grâce aux nouvelles analyses de VNF, on peut découvrir que le parcours moyen des tonnes échangées en transport intérieur est déjà de 145km (155km en 2000), soit 20 à 25% de plus qu'on ne l'imagine le plus souvent.

Mais surtout, le parcours en Europe des tonnes échangées en transport international est de 530km (516km), soit plus de cinq fois plus que leur seul parcours en France: Sur ces 530km (516km), 99km (98km) sont faits en France et le reste, soit 431km (418km), à l'étranger.

Les importations sont même à plus longue distance, 602km (605km), tandis que les exportations se limitent à 475km (456km).

Il en résulte un parcours moyen vrai des tonnes chargées ou déchargées en France de 360 km (352km en 2000) .

On voit donc que le domaine de pertinence de la Voie d'Eau est très vaste, puisque ses parcours moyen s'échelonnent de 120km à 605km en moyenne.

Cette réalité pourrait conduire à profondément modifier la perception que le public, et même les économistes, ont du mode fluvial. Ils l'imaginent voué au transport à courte distance, et donc ne justifiant pas la construction de canaux de liaison interbassins, d'une longueur déjà souvent supérieure à l'image qu'ils se font du trajet moyen du fluvial.

Redresser cet effet pervers des statistiques pourrait à l'inverse renforcer la position de ceux qui militent pour la réalisation de ces liaisons, si nécessaires pour une navigation fluviale moderne pleinement insérée dans l'Europe.

  • Les cônes de trafic mettent bien le phénomène en évidence: les parcours en France ne représentent que 3,1 (3,2) milliards de tkm, sur un total de commerce extérieur de 16,6 (16,4) milliards de tkm.

    (les chiffres du dessin, extrait de NPI du 30 décembre 2001, sont pour 2000)