UN NOUVEAU PROCEDE DE CONCEPTION

DES VOIES d'EAU PERMETTANT D’Y

AUGMENTER LA VITESSE OU D’EN

REDUIRE L’IMPACT SUR L’ENVIRONNEMENT

© AFTM

L’observation du temps total passé par les bateaux sur les canaux de navigation met en lumière le poids du temps consacré au passage des écluses, qui varie entre 90% (Vosges) et 30% (Seine-Nord) du temps de transit. Il peut donc être plus rentable de s’attaquer à réduire ce temps, plutôt que d’augmenter la vitesse limite des bateaux sur ce canal. Arriver à faire les deux serait donc idéal. C’est ce que tente de réaliser le nouveau procédé de l’Onde Bleue, en affranchissant les bateaux du passage par les écluses et en suggérant une forme de canaux plus rapide que l’actuelle forme trapézoïdale classique.

 

1. S’affranchir de l’écluse

Le passage par une écluse constitue en premier lieu une consommation de temps par rapport à la marche en bief. Il est donc tentant de s'en abstraire. Ceci n'est possible cependant que si la voie d'eau en cause est suffisamment bien alimentée en son médium porteur, l'eau.

S'il n'y a pas assez d'eau, l'écluse paraissait jusqu’aujourd’hui indispensable, car elle consomme le moins d'eau possible, pour une chute donnée. Le seul substitut dans ce cas est un autre type d'ouvrage, la Pente d'Eau, popularisée par le Professeur Aubert. Cette dernière a deux avantages, l'absence totale de consommation d'eau, quelle que soit la chute (aux fuites près), et le fait que le bateau ne s'arrête quasiment pas. La Pente d'Eau n'est pas "Retardatrice".

Par contre, dans les voies d'eau abondantes mais qui ne sont pas naturellement navigables par défaut de profondeur, il y a longtemps que l'on a appliqué le principe de voies d'eau sans écluses.

Le plus ancien système est celui du pertuis, qui suppose un débit suffisant dans la rivière. A l'étiage, toute l'eau passe par le pertuis, qui est étroit et profond. A chaque pertuis est associé un seuil déversant ou un barrage.

L'autre est celui de l'écluse simple (flash-lock), encore appliqué dans certains ports maritimes ou sur certaines rivières non canalisées pour réaliser des chasses ou des lâchures navigables (bonds d'eau). La navigation se fait alors sans écluse, un nombre limité de fois par jour ou par semaine. Les Romains la connaissaient déjà.

Le Professeur Verneaux a proposé en 1983 un système dénommé bief mobile, basé sur un système de pertuis obturables, pour des rivières abondantes, avec des dénivellations à chaque pertuis, ce qui rend nécessaire un attelage élastique ou autoredresseur. Ceci rejoint un brevet pris par le Professeur Aubert en 1965, sous le nom de "canalisation pulsatoire", dans lequel des barrages mobiles plus ou moins ouverts assuraient par leur rétention et leur remous cadencés une surprofondeur à l'aval des barrages, franchis sans écluses.

Enfin existent les écluses longues, d'environ 1 km de long, que l'on peut passer pratiquement sans arrêt complet (Écluses Sans Temps Mort, voir livre du Centenaire de l'AIPCN, p.219/222). Les premières réalisations pratiques datent du XX° siècle, sur des rivières canalisées.

Le premier canal à bief de partage du monde, le Canal LIN en Chine deux siècles avant notre ère, appliquait un système voisin de l'écluse simple, le "dohmen" (photo). Ce système a subsisté sur le Grand Canal pendant plusieurs siècles. On connaît mal son fonctionnement exact.

Le progrès des techniques de régulation permet aujourd'hui, dans les voies d’eau possédant un débit relativement limité (moins de 10 m3/s), de donner à la navigation la possibilité de passer à pleine vitesse de bief à bief. C'est le concept de l'Onde Bleue, qui utilise un canal dans sa pleine largeur, et permet donc la navigation dans les deux sens, sans ralentissement au passage des portes. Il s'agit en quelque sorte de la combinaison de "L'écluse Sans Temps Morts" et du "Bief Mobile", couplé avec une régulation informatisée.

Cette invention vise à remplacer les ouvrages de franchissement de chute à grand gabarit et à supprimer la perte de temps qui s'y attache, sans consommer davantage d'eau qu'eux. Elle permet également une nouvelle conception des canaux de navigation, d'un profil en long plus écologique, qui permet aux engins de navigation les mêmes performances sans nécessiter de grands mouvements de terre en déblais remblais. Enfin, elle conduit à utiliser des Canaux à Grand Gabarit Réduit, d'un profil en travers plus facile à insérer dans le paysage.

L'ONDE BLEUE (figure 1) permet à un engin de navigation de franchir sans s'arrêter la dénivellation entre un niveau A et un niveau B. Pour cela, il traverse une succession de biefs horizontaux séparés par des portes (31, 32, 33, etc.) s'ouvrant en cadence, l'une d'entre elles (33) au moins s'abaissant entre deux portes relevées (32 et 34). Les niveaux de deux biefs successifs s'égalisent ainsi, l'un d'entre eux montant alors que l'autre descend, ce qui permet la navigation dans les deux sens en tant que de besoin. Le passage au droit de la porte intermédiaire abaissée s'effectue après l'égalisation des niveaux, sans qu'existe à cet endroit la moindre pente locale de la surface de l'eau.

Il est facile de visualiser le phénomène même pour un non-spécialiste. A l’instar du Professeur Aubert, qui expliquait l’écluse en se référant à une baignoire, nous pouvons schématiser simplement le procédé, de la façon suivante.

Quiconque prend une douche dans une baignoire délimite avec ses pieds trois biefs : Un bief aval, celui du côté de l’évacuation ; un bief amont, du côté opposé, et un bief central, entre ses deux pieds. La paroi " amont " de la baignoire constitue la porte 31 du dessin, le pied amont la porte 32, le pied aval la porte 33.

Si le canard de votre enfant flotte à l’amont de votre pied " 32 ", en écartant ce pied vous verrez le canard passer dans le " bief " central, dont le niveau se sera rehaussé de quelques centimètres, tandis que le " bief " amont aura baissé d’autant.

Le mouvement du canard peut se continuer si vous replacez le pied amont et écartez le pied aval. Si par contre on avait un jouet motorisé, il pourrait passer de bief en bief contre le courant, et croiser le canard qui suit le courant. Le système fonctionne donc dans les deux sens.

Autre analogie, révélée par la parenté des dénominations, entre l’Onde Verte régulant les feux d’intersection dans les villes, et l’Onde Bleue : Rien ne sert d’aller plus vite que la vitesse de consigne, au contraire, les conducteurs de 2CV qui grillent des voitures de sport en arrivant " juste-à-temps " aux feux le savent bien. La consommation est par ailleurs bien inférieure avec une conduite régulière, comparée à une conduite nerveuse, qui oblige à s’arrêter quelques secondes à chaque feu et à relancer le bolide.

Les Ondes Vertes sont très performantes, car leur synchronisation évite de perdre les quelques 30 secondes (en moyenne) d’un cycle de feux. On peut ainsi traverser une ville à 45 km/h en quelques minutes, au lieu de rencontrer un certain nombre de feux imposant des arrêts cumulés de plusieurs minutes.

De la même façon, en ne s’arrêtant pas dans des écluses, les bateaux utilisant une Onde Bleue peuvent avoir une vitesse moyenne plus élevée que des bateaux utilisant un canal classique de plus grande section mouillée. La vitesse limite des mobiles étant fonction de la dimensions des canaux, on peut obtenir la même vitesse moyenne avec une Onde Bleue dans un canal plus petit (la 2CV), que celle atteinte dans un Grand Canal avec des écluses (le bolide). La vitesse moyenne prévue pour parcourir Seine-Nord est par exemple inférieure à 8 km/h, alors qu’il est facile de concevoir une Onde Bleue pour 9 km/h, avec un canal sensiblement plus petit.

La longueur des biefs est préférablement uniforme, fonction du trafic à prévoir, par le biais de la taille des engins de navigation, de leur vitesse et de leur déplacement (en m3). Il faut en effet qu'en cas d'urgence les convois puissent s'arrêter avant la prochaine porte intermédiaire.

Par ailleurs, à besoin d'eau identique comparé à une écluse de 10m de chute, comme l'Onde Bleue a un "pas", ou une "marche", de 50 cm, correspondant à une utilisation d’eau de 1 m, chacun de ses biefs peut être par exemple 3,3 fois plus long que l’écluse et 3 fois plus large. C'est à dire, dans une voie d'eau de Classe Vb (écluses de surface totale 200x12 m), intercepter un bief de 36 m de large et 660 m de long, à Grand Gabarit. Il faudra alors 20 "marches" pour égaler la chute d'une écluse de 10 m, soit 21 ou 22 portes selon la disposition des lieux.

L'équation est donc simple. Il faut que chaque porte coûte 1/20 d'une écluse complète, ou moins, pour que le système soit plus économique qu'une écluse. Il est trop tôt pour pouvoir s'avancer avec certitude. Seule l'expérience peut trancher, mais le prix auquel en sont arrivées les écluses modernes laisse quelques espoirs.

Il serait ainsi utile de tester l'application de ce système, qui permet le passage de bateaux de gabarit très variés, sur un tronçon du Canal du Nord où une écluse doit être reconstruite, ou sur le Canal de Calais, deux portions de voie d'eau disposant d'une alimentation en eau suffisamment abondante et d'un potentiel de trafic conséquent.

Le débit nécessaire, pour un canal à grand gabarit avec un cycle par heure (20 Mt de capacité), est en moyenne de 4,5 m3/s, et face aux bateaux montants la vitesse de l'eau est de seulement 0,3 m/s (33 m3/s instantanés).

On se rend compte alors que le système n’utilise pas plus d'eau qu'une écluse.

La logique de l'écluse impose en effet d'en faire le moins possible, ce qui conduit en moyenne à des biefs horizontaux d'au moins 10 km de long, pour une chute de 10 m, hauteur considérée comme la plus économique. C'était par exemple le parti adopté dans le projet de Canal Rhin-Rhône à Grand Gabarit, au moins dans la vallée du Doubs.

Les conséquences sont de deux ordres:

- La nature n'étant que rarement horizontale, les voies d'eau doivent être portées par des remblais élevés, ou nécessitent des déblais profonds. Ceci coûte cher et n'est pas invisible, prêtant le flanc à la critique des écologistes.

- L'utilisation d'eau d'une écluse à grand gabarit de 10 m de chute est de plus de 21 000 m3. Avec un cycle par heure, ceci correspond à plus de 6 m3/s, valeur supérieure à celle d’une Onde Bleue.

Une ONDE BLEUE ne nécessite donc pas plus d'eau qu'une écluse à Grand Gabarit de 10 m de chute.

L'avantage, c'est que pour un prix sans doute voisin de celui d'une écluse de moyen gabarit, on obtient la possibilité de faire transiter, sans arrêt, des bateaux de Grand Gabarit à plein enfoncement, et donc qu'on réserve l'avenir, y compris une possible augmentation de largeur des bateaux.

La vitesse de progression des bateaux avec l'Onde Bleue serait de 8 ou 10 km/h, voisin de ce qui se réalise aujourd'hui en bief sur le Canal du Nord. On économiserait donc la durée de passage des écluses (20 min. environ chacune).

En période de forte hydraulicité, il n'y aurait aucune attente, chaque sens étant libre de progresser avec sa régulation.

En étiage, on limiterait le nombre de cycles par heure à ce qui est disponible dans le canal ou la rivière, le débit réservé à cet effet étant de 2 à 8 m3/s en moyenne horaire, selon la largeur du canal.

Ceci n'aurait pas d'incidence sur la capacité de transit de la voie d'eau, qui est de toutes façons limitée par les écluses d'extrémité, et reviendrait à regrouper en un cycle les bateaux provenant de 3 cycles d'écluse (cas du Canal du Nord). L'attente maximale, en étiage seulement, serait donc de 40 minutes. Du fait de la longueur des biefs de l'Onde Bleue, jusqu’à 1 km, 6 bateaux peuvent parfaitement y prendre place en même temps, le plus lent limitant la progression des autres de bief en bief.

Autre utilisation, sur les rivières où devront naviguer les bateaux de l'Autoroute Flottante, pour remplacer les écluses de faible chute et/ou trop étroites: Ils pourraient naviguer à 10 km/h là où l'écluse leur imposerait un arrêt de 20 minutes au moins, et une impossibilité de faire passer des bateaux de plus de 11,4 m de large. On pense notamment aux écluses de Saône.

La seule difficulté consiste à trouver un système de bouchure qui soit suffisamment bon marché pour donner au procédé un prix global voisin de celui d'une écluse.

L'idée d'un système préfabriqué semble s'imposer. Il est clair que le prix de chaque porte conditionnera la compétitivité du système

Enfin, la largeur qui conditionne le besoin d'eau de l'ONDE BLEUE est celle au plan d'eau, au "miroir", alors que celle qui conditionne le gabarit de bateaux qui peuvent y transiter est celle au "plafond", ou plutôt celle correspondant à l'enfoncement maximal autorisé. Il est donc tentant de réduire la largeur au miroir, et d'approfondir la voie d'eau, lui donnant ainsi, avec des portes d'une largeur voisine de celle du canal, la possibilité de laisser passer facilement des bateaux à Grand Gabarit.

L'un des modes de réalisation préférés de l'invention incorporera donc des canaux à "Grand Gabarit Réduit", beaucoup plus faciles à implanter dans les sites, du fait de leur encombrement réduit car ils suivent le terrain de manière quasi insensible.

2. Augmenter la vitesse et diminuer l’impact écologique

Il est ainsi possible de faire passer une voie d'eau à grand gabarit dans l'espace occupé actuellement par un canal Freycinet. Dans l’encombrement d’un tel canal, il est en effet possible d’inscrire un canal avec profil profond ayant la même efficacité qu’un canal trapézoïdal de 50m au miroir et 4,5m de profondeur. Ce type de profil peut donc trouver de multiples applications pratiques ponctuelles. En effet, réutiliser le tracé d’un canal existant peut être fort utile lorsque les tracés prévus pour une voie à grand gabarit sont bloqués par la résistance de certains propriétaires ou certaines communes.

Cette utilisation optimale de l'espace, peu connue, possède les appuis théoriques les plus sérieux qui soient.

Les fondements de la théorie moderne de calcul de la résistance des bateaux et de l'existence d'une vitesse limite pour chaque "couple canal-bateau" ont en effet été posés par Schijf dans une communication à l'AIPCN en 1949, amplifiée en 1953.

Dans sa communication de 1953, il publie un graphique (fig. 4) qui donne "l'influence de l'élargissement et de l'approfondissement d'un canal" sur la vitesse limite et certains autres paramètres.

Il y affirme notamment: "Agrandir la section transversale en augmentant la profondeur est plus efficace qu'en augmentant la largeur" (AIPCN 1953, Section 1, Sujet 1, p. 181).

Le rapport continue: "Avec une augmentation identique de la section transversale, c'est à dire pour une égale quantité de terre remuée, approfondir (un canal) augmente davantage la vitesse limite que de l'élargir".

La preuve en est apportée par les lignes en tirets de la figure 4.

On voit par exemple que la même vitesse limite est atteinte dans un canal trapézoïdal de 60 m au miroir, avec 167 m2 de section (n=8,35) , dans un canal de 50m au miroir, avec 152 m2 de section (n=7,6) et dans un canal de 40m au miroir, avec 132 m2 de section (n=6,66). L'équation 132=152=167 (en m2) paraît absurde, et pourtant elle est vraie d'après Schijf, si le canal de 132m2 a 6 m de profondeur, alors que celui de 167 m2 n'en a que 3,35 m.

Il en découle aussi l’égalité 8,35=7,6=6.66: Une valeur du coefficient " n " (rapport entre la section transversale du canal et la section mouillée du bateau) de 6,66 dans un canal de 6 m de profondeur permet d'atteindre la même vitesse limite qu'un coefficient n de 8,35 dans un canal de 3,35 m de profondeur. L'écart dans les terrassements dépasse 25%.

Autre mode de lecture du graphique, on voit que, pour une même surface transversale (lignes verticales), la vitesse limite dans un canal de 6 m de profondeur (extrémité droite des courbes en tirets) est très nettement supérieure (+17%) à celle obtenue dans une profondeur de 3,5 m (lue sur la courbe en trait plein). On voit par exemple, en lisant verticalement, que la même surface transversale qui permet une vitesse limite de 3,5 m/s avec 3,5m de profondeur autorise 4,1 m/s avec 6m de profondeur.

Pour faciliter la lecture, on a matérialisé en traits pleins la courbe de la vitesse limite pour une profondeur de 6 m.

Pour une même vitesse de 3,5 m/s (trait horizontal), on voit que l'écart entre les deux courbes est supérieur à 60 m2, ce qui signifie 60.000 m3, et plusieurs millions de francs, d'écart au kilomètre sur le simple poste des terrassements en eau.

Pour atteindre une vitesse de déplacement raisonnable avec un bateau à grand gabarit, et rester pourtant dans l’encombrement d’un canal Freycinet, on doit adopter un profil rectangulaire, ou trapézo-rectangulaire, et une forte profondeur, 6 m au moins. On sera alors en mesure de faire passer des bateaux de grand gabarit dans l'enveloppe des canaux Freycinet, si l'on se contente de voies à sens unique alterné.

Un tel profil trapézo-rectangulaire profond sera appelé "AFTM", puisqu'il a été breveté par un membre de cette Association (figure 3).

Avec un profil profond, l'efficacité d'un canal de 40 m au miroir et 5 m de profondeur (125 m2) est atteinte avec seulement une largeur de 20 m et 6 m de profondeur (114 m2). Une vitesse économique de 7 km/h serait atteinte dans l’un ou l’autre de ces canaux par un convoi poussé de 11,4m de large et 3m d’enfoncement. Or la largeur de 20m est atteinte sur près de la moitié du réseau Freycinet. Les plus petits canaux Freycinet ont au moins 18m au miroir, et en entamant à peine les berges on peut sans difficultés atteindre 20m de large.

Dans la plupart des cas, il sera possible d'inscrire un canal de 23,75 m au miroir, avec profil AFTM, dans l’espace constitué par le petit canal et ses chemins de halage, sans toucher aux rideaux d’arbres qui constituent l’essentiel du pittoresque des canaux Freycinet et du paysage qu’ils en sont venus à constituer. Un tel canal permet une vitesse économique de 9 km/h pour des convois poussés à 3m d’enfoncement. Il est équivalent à un canal trapézoïdal de 50m au miroir et 5m de profondeur, en termes de résistance à l’avancement et de vitesse limite, et il permet en cas de panne d’un bateau en bief de le dépasser ou de le croiser, permettant son remorquage et évitant le blocage du canal.

Si un tel canal est en plus équipé d’un système d’Onde Bleue, les bateaux, n’ayant plus à s’arrêter, auront une vitesse moyenne de 9 km/h (vitesse de consigne de l’Onde), égale ou supérieure à celle atteinte par des bateaux sur un canal à grand gabarit entrecoupé d’écluses.

Il semble donc que de tels canaux à grand gabarit écologiques puissent être adoptés pour un certain nombre des itinéraires, délicats en terme d’écologie, du Schéma Directeur des Voies Navigables français. L'Onde Bleue est en effet très écologique, puisqu'elle suit au plus près le terrain naturel, et permet de s'abstraire des grands mouvements de déblai/remblai qui suivent et précèdent les écluses. Elle s'intègre de ce fait remarquablement dans le paysage. On pense notamment à la vallée du Doubs et à celle de l’Ill et de ses affluents, où l’impact de la solution initialement envisagée, liée à un cahier des charges datant de 1972, a été jugée incompatible avec l’écologie, conduisant au rejet de l’ensemble du projet.

Un projet alternatif, basé sur l’Onde Bleue et les canaux profonds, serait beaucoup plus respectueux du paysage et des usages actuels du territoire agricole traversé. Il pourrait donc sans doute obtenir le consensus nécessaire pour être mis en œuvre, et ouvrir ainsi la Haute Vallée du Rhin et la Suisse sur le Sillon Rhodanien.

 

CALCUL ECONOMIQUE

Un certain nombre de paramètres sont à prendre en considération : La largeur du canal, la taille du bateau de projet, et la pente moyenne du sol. On a réalisé deux calculs, l’un en réutilisant l’emprise d’un canal Freycinet (de 30m2 de section mouillée et de 18,8m de large au miroir), l’autre en réutilisant l’emprise du canal du Nord (de 84m2 de section mouillée et 33m au miroir). On a pris l’hypothèse d’une pente moyenne du sol de 1m par km.

On épargnera au lecteur les détails du calcul. Il en ressort que le procédé en lui-même (excavations, palplanches, couronnement et portes de l’Onde Bleue) coûterait 35MF/km avec un profil AFTM, et 54MF/km avec un profil rectangulaire. Il faut ajouter à cela une porte de garde tous les 10km, dont le surcoût représente moins de 2MF/km.

Tous les 10km, ou à chaque fois que le canal quitte un bief de rivière, on placera une porte de garde, qui tiendra lieu de la porte amont d’une Onde Bleue. Son surcoût sera de 10MF.

Ce prix n’inclut pas le rétablissement des communications (ponts, etc.) et des réseaux, ni les dépenses d’insertion dans le site, supposé particulièrement pittoresque. On fera l’hypothèse qu’ils totalisent 20MF/km dans les deux cas, mais on n’en tiendra pas compte dans la comparaison car un canal à grand gabarit représente une somme sensiblement identique, ou supérieure.

La seule hypothèse favorable au procédé a consisté à penser que les quelques millions de m2 de palplanches, systématiquement présents, pourraient être battus à un prix sensiblement plus bas que celui estimé par les organismes officiels pour des travaux au coup par coup.

On constate par contre que le canal le plus étroit n’est guère moins cher que le plus large (-10%), pour autant que les portes soient de même largeur (24,5m).

On voit ainsi que l’intérêt de réutiliser un canal existant réside surtout dans l’utilisation d’un espace déjà affecté au transport fluvial, par opposition à des espaces affectés à d’autres usages.

La comparaison avec le coût d’un canal à grand gabarit est malaisée, car il faut se rappeler que l’Onde Bleue suit le terrain naturel et minimise donc les remblais et déblais. Seules des applications pratiques permettraient de trancher à coup sûr.

Par contre, sur un terrain de pente idéalement régulière, un canal à grand gabarit représente une section de plus de 200m2, et un déblai/remblai qui, même s’il est équilibré, totalise plus de 200 000m3 en eau et au moins autant hors d’eau. C’est donc environ 500 000m3 de terrassement que l’on doit prévoir au km, au lieu de 150 000m3 au maximum avec l’Onde Bleue. Ceci représente un gain de plus de 10MF/km sur les simples mouvements de terre évités par le procédé.

Les portes, par hypothèse, ne seront pas plus chères qu’une écluse ramenée au mètre de chute (15MF le mètre de chute environ). Les ouvrages d’art, ayant une portée moindre, sont certainement moins chers que ceux d’un grand gabarit. Il semble donc avéré au total qu’un canal à profil AFTM équipé d’une Onde Bleue aura un prix inférieur à un canal à grand gabarit classique, tout en ayant une efficacité technique voisine.

Au total, un canal écologique profond avec une Onde Bleue coûterait 60MF pour une vitesse de consigne de 7,8km/h et 80MF pour une vitesse de consigne de 9km/h.

Son impact dans le paysage sera quasi imperceptible. Par conception, son insertion dans l’environnement représente des avantages par rapport à l’existant. On peut donc penser qu’on pourra réaliser avec ce procédé des liaisons interbassins en respectant l’Accord Européen sur les Grandes Voies Navigables (canaux de classe IV et au-dessus).

DETAILS TECHNIQUES DU PROFIL TRAPEZO-RECTANGULAIRE AFTM

On envisagera en premier lieu un canal de 23,75m de largeur utile, réutilisant l’emprise d’un canal Freycinet de 2,2m de profondeur, 18,80m de largeur au plan d’eau, 27m entre arbres et plus de 30m d’emprise totale (terrains propriété de l’Etat). Les talus sous l’eau sont à 2/1, ceux hors d’eau à 3/2. Ces valeurs sont généralement celles du Plan Freycinet. Pour tenir compte d’un léger envasement, la section du canal Freycinet sera réputée être de 30  m2.

Le profil AFTM retenu comporte un talus revêtu à 1/2 , d’une hauteur de 2m, se raccordant sous l’eau à un couronnement béton immergé de 40cm d’épaisseur, dont la partie supérieure est située à la cote du plus bas niveau rencontré pendant les opérations de l’Onde Bleue.

Entre le couronnement et le talus, on implantera des végétaux aquatiques du type roseau, pour briser les vagues provoquées par l’Onde Bleue et les bateaux.

On trouve en dessous de ce couronnement une palplanche métallique d’un module correspondant à la qualité des terrains rencontrés, et d’une hauteur généralement inférieure à 6m. Le but de cette palplanche est de retenir le terrain environnant, et de fournir une section mouillée suffisamment ample pour permettre l’avancement de bateaux à l’enfoncement maximum de 3,5m. Par conception, cette palplanche n’est jamais émergée, et ne se corrode donc pas.

En pied de cette palplanche, on trouve une risberme à la cote -3,5m par rapport au sommet du couronnement, d’une largeur de 2m, puis un talus à 2/1 , descendant jusqu’à la cote –6m.

En fonction des terrains rencontrés, ce talus sera ou non étanché. Le plafond du canal aura une largeur d’environ 9,75m, ce qui sera suffisant étant donné qu’un tel canal est prévu pour fonctionner à sens unique avec alternat. Mais le rectangle de navigation aura 23,75m.

Le but de cette risberme et de ce talus est de servir de butée au pied de la palplanche pour en réduire le coût, et de fournir un meilleur habitat à la faune et à la flore aquatiques. Cependant, dans le cas de l’élargissement des canaux Freycinet, le surcoût de palplanches plus longues pourrait être plus que contrebalancé par le meilleur rendement hydraulique : Un plafond de 9,75m, même situé 6m sous l’eau, peut paraître en effet trop étroit pour des bateaux de 11,40m de large.

La section AFTM serait de 120 m2, et la section rectangulaire de 142,5 m2. Il faut rajouter au cube de déblais la partie superficielle, où se produira le débattement de l’Onde Bleue, ce qui correspond à environ 25 m2 supplémentaire.

Chaque mètre linéaire aura ainsi un cube de déblais nouveau de 115 m2.

Au point de vue hydraulique, le coefficient " n " doit se calculer pour une section mouillée à mi-hauteur d’Onde Bleue, soit avec une section totale de 132,5 m2. " n " est alors pratiquement égal à 4, pour un grand rhénan à 3m d’enfoncement.

La vitesse économique correspondante avec profil AFTM sera de 7,8 km/h.

On remarque l’intérêt d’un canal profond, car avec un coefficient n aussi réduit, on considère d’habitude non rentable de naviguer.

Cet intérêt se remarque également si l’on passe d’un profil AFTM, davantage conçu pour des canaux de plus grande taille, à un profil rectangulaire.

" n " passe à 4,5, et la vitesse économique à 9 km/h, supérieure à celle envisagée en moyenne sur la Liaison Seine-Nord.

On rappellera que la taille maximale des bateaux admis dépendra de leur vitesse, sauf dans les zones de forte pente, où d’autres solutions de franchissement de chute doivent être utilisées. A faible vitesse, un " convoi exceptionnel " pourrait donc emprunter un tel canal, s’il n’est pas limité par les écluses en amont et en aval de l’Onde Bleue.